Implication de la technologie LTE dans le NBN

21 09 2010

Choisir les technologies à utiliser et dimensionner en conséquence un réseau d’infrastructures de télécommunications n’est pas chose aisée. En particulier lorsque le réseau s’étend sur un pays aussi grand qu’est l’Australie. Dans ce genre de réseau, l’élément incontournable pour obtenir du Très Haut Débit est bien sûr la fibre optique. Mais jusqu’où faut-il aller ? est-il nécessaire de relier toute la population en fibre optique ? et à quel prix ?

Toutes ces questions alimentent aujourd’hui le débat autour du NBN. Le gouvernement a choisi de relier plus de 93% de la population en fibre optique, de couvrir 4% avec les technologies sans-fil de nouvelle génération comme LTE et les 3 derniers % avec des satellites de bande Ka (Voir Rubrique Whitepapers, Implementation Study). L’Opposition (Liberal Party) et un groupe composé de dirigeants d’entreprises de fibre noire ou wireless (Alliance for Affordable Broadband – AAB) voient d’un très mauvais œil cette excessive dépense de AUS$43 milliards et proposent un réseau s’appuyant un backbone optique et une desserte largement supportée par la technologie LTE.

Ci-dessous une comparaison des investissements du NBN et du projet de l’Opposition.

Partie du réseau NBN NBN-coalition
Backbone optique $5,4 milliards $3,5 milliards et dégroupage des NRA
Desserte optique $29,5 milliards Investissements laissés aux acteurs privés
Desserte LTE $2 milliards $2 milliards + investissements privés
Desserte satellite $1,5 milliards $700 millions

Concernant le manifeste « NBN 3.0 from AAB », aucun détail précis n’est donné sur les coûts de chaque phase. L’estimation fixée à AUS$3 milliards repose uniquement sur l’analogie faite avec le projet actuellement mené aux USA par Nokia Siemens : LightSquared. L’objectif est de couvrir plus de 260 millions de personnes grâce à la technologie LTE, pour un coût de US$7 milliards.

On entend beaucoup parler de débits de 100 Mbits/s avec LTE. Comment est-ce possible ? Débit garantis ou maximum ?

Tout d’abord il faut savoir que dès que l’on parle de débits avec LTE (ou plus généralement une quelconque technologie sans-fil) on fait très souvent référence aux débits maximum. Aujourd’hui les débits maximum que l’on peut atteindre via la technologie LTE sont environ de 150 Mbits/s (Mike Quigley, CEO NBN Co, « Peak rates for LTE are 150Mbps ») mais dès qu’il y a des cellules adjacentes, les débits sont divisés par 2 à cause des interférences.

L’objectif du NBN via la technologie LTE est de fournir à 4% (la tranche des 94-97%) de la population des débits maximum de 12 Mbits/s. Cela afin de couvrir les zones d’ombres laissées par la desserte en fibre optique. Pour couvrir tout le territoire en LTE et garantir des débits moyens de 5 Mbits/s (avec débits maximum de 12 Mbits/s), Mike Quigley a estimé qu’il faudrait utiliser 80 000 points hauts d’émissions (« While 4G technologies would be able to provide typical speeds of 70Mbps and peaks of 150Mbps at the centre of a cell, the network would require 80,000 cell sites connected by fibre to completely replace the fibre-based network with wireless »), ce qui nécessiterait la construction de 64 000 d’entre eux (actuellement Telstra en détient un peu plus de 10 000 et 6000 pour les autres opérateurs). Le NBN quant à lui utilisera uniquement 1 100 points hauts d’émissions (sites nouveaux et existants).

Comme la plupart des pays déployant des réseaux LTE, l’Australie et son NBN pourront exploiter les bandes de fréquence de 2,3 GHz et 700 MHz. La bande des 700 Mhz (694 – 820 MHz) est actuellement utilisée par la télévision analogique et devrait être libérée d’ici 2014 dans le cadre du passage au tout numérique. Néanmoins, dans un soucis de déploiement rapide, la bande des 2,3 GHz (ou 2+ GHz) devrait être préférée.

Comparaison des 2 bandes de fréquence :

  • 2,3 GHz
    • déploiement rapide car fréquences disponibles
    • résultats à court terme pour les utilisateurs
    • possibilité de fournir des débits maximum de 12 Mbits/s dans un rayon de 7 km
    • déploiement plus couteux que dans la bande des 700 MHz (plus de points hauts)
    • adéquat en zone urbaine
  • 700 MHz
    • fréquences non disponibles avant 2014
    • possibilité de fournir des débits maximum de 12 Mbits/s dans un rayon de 14 km
    • adéquat en zone rurale
    • devrait être utilisée pour les applications mobile.

Ci-dessous un schéma faisant intervenir toutes les technologies utilisées dans la construction du NBN.





NBN to go ahead !

8 09 2010

“Do it once, do it right and do it with fibre”, tels sont les mots prononcés mardi 07/09/10 par Tony Windsor, député Independant, juste après avoir annoncé son soutien au Labor Party de Julia Gillard, permettant ainsi sa réélection.
Ce mardi, à 15h, les 2 derniers MP Independants (Tony Windsor & Rob Oakeshott) ont rendu leur décision finale et pris position en faveur du Labor Party. Cette décision va ainsi permettre à Julia Gillard de continuer le projet lancé en 2007 par Kevin Rudd (ancien Premier Ministre) : le NBN. Tony Windsor a d’ailleurs précisé que le NBN avait été un élément déterminant dans son choix : « Broadband has been one of the major influences I’ve had in terms of making a decision.”» (voir vidéo ci-dessous, un peu longue)

En contrepartie de cette alliance, M. Windsor et M. Oakeshott ont demandé à ce que les zones rurales soient prioritaires dans le développement du réseau THD par rapport aux centres urbains. Par ailleurs NBNCo devra louer ses infrastructures à prix égal entre les zones rurales et les zones urbaines (prix encore non fixé).
Tony Abbott bien entendu mécontent du résultat a précisé que l’Opposition serait très vigilente par rapport aux dépenses du gouvernement dans ce projet et ne leur faciliterait pas la tâche (“You can be absolutely certain that the Opposition is going to be hyper-vigilant in this area,”).

Beaucoup se demandent comment seront dépensés les AUS$43 Milliards et si ce chiffre n’augmentera pas comme dans la plupart des projets de construction de réseau de télécommunications.
Le Labor Party n’ayant toujours pas clairement expliqué comment serait utilisé l’argent du contribuable (selon Mike Quigley, l’investissement de la part du gouvernement sera environ de AUS$27 Milliards), il est normal qu’une partie de la population s’inquiète du résultat.

On peut voir qu’aujourd’hui en France la fibre optique ne tient pas ses promesses puisque les débits escomptés sont moindres et les taux de pénétration faibles. Il est donc légitime de se demander si cet investissement massif ne donnera pas naissance à un réseau sous-exploité.
Par ailleurs, aujourd’hui beaucoup d’australiens ne voient pas la nécéssité d’avoir des débits Internet si importants (100 Mbit/s pour downloader des musiques et des films à la maison ????). D’autres qui connaissent les usages que pourraient en faire les professionnels (industrie, médecine, éducation…) restent sceptiques quant à l’implémentation de ces nouvelles techniques et la modification des pratiques actuelles. Enfin, certains pensent qu’un projet moins ambitieux comme celui de l’Opposition ou celui décrit dans le manifeste des chefs d’entreprises de télécommunications déposé la semaine dernière (voir rubrique Whitepapers) aurait été plus facilement réalisable et moins « risqué » que le NBN. Je rappelle que ces deux solutions utilisent un backbone en fibre optique et une desserte en ADSL ou très souvent la technologie LTE. Ces 2 solutions s’appuient également sur une participation importante de la part des opérateurs privés, en particulier dans les zones urbaines où le déploiement leur est laissé. Ceci afin de proposer une concurrence en terme d’infrastructures et de services (le NBN proposera une concurrence uniquement en terme de services puisque tous les opérateurs s’appuieront sur le même réseau).
Encore à la traîne derrière la plupart des pays industrialisés en matière de débits Internet (50e selon le classement de la société Akamai), pensez-vous que l’Australie a raison de fonder ses espoirs dans un tel gigantesque projet ?





Le NBN pourrait-il ne jamais voir le jour ?

18 08 2010

Les élections fédérales approchant en Australie (21 août 2010), la tension entre le Labor Party de Julia Gillard, actuel Premier Ministre, et the Liberal-National Party de Tony Abbott principal opposant est de plus en plus marquée.

En réponse au NBN de Julia Gillard, l’Opposition de Tony Abbott a à son tour récemment (10 août) dévoilé  son projet de développement de réseau Très Haut Débit (THD) en Australie. Il semble néanmoins que ce plan ne soit destiné qu’à se démarquer du NBN de Julia Gillard et non répondre précisément aux demandes que pourrait avoir l’Australie en terme de connectivité THD.

Professor Rod Tucker from Melbourne University: “The idea that we could use very fast broadband based on mobile technologies and existing fibre,” – ce qui est le plan de Tony Abbott – “… defies the laws of physics.”

Interrogé par le journaliste Kerry O’Brien le jour même du dévoilement de ce plan, Tony Abbott n’a su répondre aux questions du journaliste concernant l’efficacité de son réseau et la manière dont les objectifs allaient être atteints. Sa principale défense à été de condamner les 43 milliards de dollars nécessaire à la création NBN (AUD$6 milliards pour le plan de l’Opposition) ainsi que dénoncer le fait que ce réseau sera sous le monopole d’une nouvelle société sous contrôle gouvernemental (cela avait déjà été le cas avec Telstra).

Tony Abbott: “We think that competition is better than monopoly and we think that a range of technologies is better than putting all your eggs in the fibre basket.”

Par ailleurs selon Tony Smith, porte parole de l’Opposition concernant les télécommunications, les Australiens ne sont pas prêts à payer pour une connexion Internet 100 Mbits/s : ” those Australians that wanted higher speeds could look to Telstra and Optus’ existing hybrid fibre coaxial (HFC) cable broadband networks, although they hadn’t seen “wide take-up”. It proved, that people aren’t prepared to pay for 100 Mbps at this point in time.”

Vidéo de l’interview de Tony Abbott par Kerry O’Brien

Un manque d’arguments assez crucial !

Le plan de l’Opposition s’appuie sur l’utilisation de plusieurs technologies différentes (Fibre, cuivre, HFC, WiMAX) pour offrir en 2016 à plus de 97% de la population des connexions avec un pic minimum de 12 Mbit/s. La première étape sera de reconstituer un coeur de réseau national (AUD$2,75 milliards) en s’appuyant sur le réseau existant de Telstra et en dégroupant tous les NRA (AUD$750 millions d’investissements). Cela permettra, d’après The Liberal-National Party, d’avoir un coeur de réseau en fibre optique ouvert aux opérateurs. Ceci pour stimuler ces derniers à investir dans les solutions de dégroupage à la sous-boucle. Néanmoins un investissement minimum de AUD$750 millions de leur part sera nécessaire. Malheureusement ce plan ne prévoyant pas la séparations des activités de Telstra comme le fait le NBN, Telstra restera en situation de monopole sur le réseau cuivre. Par la suite, la plupart des habitants seront soit raccordés par le réseau cuivre ou coaxial existant, ou encore par des solutions LTE (AUD$2 milliards d’investissements requis).

De manière générale ce plan s’appuie sur une fort implication des opérateurs et une action de la part du gouvernement dans les zones où l’investissement serait le plus difficile. L’Australie étant un immense pays pour seulement 21 millions d’habitants, les distances entre les zones urbaines sembles assez grandes et l’investissement ne pourra que très peu, voire pas du tout être rentable pour les opérateurs. L’investissement de la part du gouvernement devrait donc être plus important que prévu dans le cadre du plan de l’Opposition.

Même si Tony Abbott a le mérite de soulever plusieurs points importants du NBN que sont le coût, le monopole du réseau par le gouvernement ou encore la seule utilisation de la fibre optique pour raccorder tous les habitants (excepté les zones blanches), cette échappatoire au NBN ne semble en fait qu’être une solution de secours a déclaré Stephen Conroy, Minister for Broadband, Communications and the Digital Economy ou encore une solution à court terme comme l’ont énoncé les opérateurs alternatifs (“Coalition NBN plan is short-sighted”)

La capacité d’investissement des opérateurs n’étant que très faible, cette solution pourrait conduire à une explosion de la fracture numérique au sein de l’Australie. Par ailleurs, à l’heure où la plupart des pays industrialisés ont recourt aux solutions FTTx et surtout FTTH, le plan de Tony Abbott ne ferait qu’accroître le retard que l’Australie à déjà dans cette course aux Mbits.

Même si les problèmes de connexion Internet ainsi que les demandes de débit sont de plus en plus fréquents, les australiens sont-ils vraiment prêts à payer le prix fort pour avoir un accès Très Haut Débit à 100 Mbits/s ? Le NBN verra-t-il je jour ?

Réponses après le 21 août !